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Par D.Salmon Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Le code Napoléon de 1810 durcit les conditions d'application de la peine de mort. Il précise que les parricides seront désormais menés à l'échafaud, pieds nus, une cagoule sur le visage. Une fois sur l'estrade, après lecture de la sentence, l'exécuteur leur posera le poing sur un billot et, d'un coup de hachette, tranchera la main. Le moignon sera immédiatement placé dans un sac rempli de son ; l'exécution reprendra son cours habituel. Cette mesure d'une cruauté digne de l'ancien régime, sera appliquée en 1827, à Jean Bellot, place d'Aquitaine (1) à Bordeaux.

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Le 5 février 1827, Jean Bellot, est assassiné dans son cuvier à Bourg, près de Blaye, vers 10 h 30. Le fils Jean Bellot, dit Saint Aubin, a 21 ans. Il est commis marchand. A l'heure du crime il parle avec sa mère, Françoise Levray, dans la maison mais n'entendent rien. Ils sont pourtant vite soupçonnés d'autant que la mère ne se cache pas pour traiter son époux de « coquin et de scélérat ». Les gendarmes trouvent du sang sur les bottes du fils. Un marteau est caché sous une paillasse.

Ils sont jugés par la cour d'assises de la Gironde le 12 mars 1827. Le fils est condamné à mort. Il déclare, impassible : " Je vous jure, M. Le président, que je suis innocent ". La mère est acquittée et libérée.

Le 18 juin 1827, Bellot est averti dans sa cellule du fort du Hâ vers onze heures du matin. Il réclame au concierge le compte de ses dépenses, pour le régler, puis au soldat qui le garde il demande avec aplomb : "As-tu peur ? ". On le presse de tous côtés de recevoir les secours de la religion. Rien n'y fait. Il refuse l'assistance de l'abbé Noailles. Même la Sœur Catherine, la mère des prisonniers, échoue. A une heure et quart, il boit un bouillon. On lui ôte ses fers à deux heures moins le quart. L'exécuteur lui coupe les cheveux qu'il a dans le cou. Il veut qu'on lui coupe aussi ceux du front. Il refuse de se confesser pour " ne pas faire rire ses amis ". On l'exhorte à nouveau, toujours sans résultat. L'abbé Martegoutte, l'aumônier des prisons, lui dit alors " Mon cher Bellot, votre obstination prouve la justice de l'arrêt prononcé contre vous ". Le mécréant répond : " Je vous remercie, monsieur".

L'exécution est particulièrement difficile.
A tel point que l'huissier chargé d'en établir le procès-verbal croit utile (cas unique à Bordeaux) d'ajouter un codicille sur la façon dont s'est déroulé l'évènement. Visiblement, il ne peut cacher son émotion.

Bellot décide d'aller à pied au lieu de son exécution, place d'Aquitaine. Mais au bout d'une vingtaine de pas, il est contraint de monter dans la charrette escortée de la gendarmerie et d'un régiment du 52° ligne.

Il arrive sur place, en chemise, pieds nus, la tête couverte du voile noir. Bien qu'il ait, jusqu'à son dernier moment, refusé le secours de la religion, le frère Martegoutte l'accompagne. L'exécuteur fouille les poches de Bellot, y trouve un papier qu'il conserve.

Bellot discute pendant une dizaine de minutes avec l'aumônier. L'acte d'accusation est lu sur l'échafaud. Après la lecture, il demande au peuple l'autorisation de prendre la parole. Plusieurs voix s'élèvent : "Oui! Oui ! Silence ! Silence ! "(2)

La foule se tait. Bellot crie : " Je ne suis pas coupable ! Ma mère n'a plus d'enfants ! Je ne sais où elle est ! Je me suis pourvu en grâce, le Roi l'a refusée. Je demande celle du peuple. "
Au pied de l'échafaud un serrurier hurle " Grâce !". Le dangereux perturbateur est capturé par les gendarmes. Le procureur du Roi l'envoie séance tenante à la prison du Hâ. Après cet incident, le greffier marque au procès-verbal : " le peuple a paru plus tranquille".

L'exécuteur commence à s'impatienter et le fait savoir. L'aumônier doit descendre de l'échafaud. Bellot se débat vigoureusement au moment de se faire amputer. Le journal des débats relate " il a opposé quelque résistance lorsqu'il a fallu lui couper le poing "(3). Il se bat de toutes ses forces pour ne pas aller sur la bascule. " Une lutte, chose incroyable, s'est alors engagée entre lui l'exécuteur et ses aides " (4). Puis tout se passe très vite. Il meurt à deux heures cinquante-cinq de l'après-midi en blasphémant.

L'amputation du poing droit pour les parricides est supprimée en 1832.

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(1) Place de la Victoire aujourd'hui
(2) Archives départementales de la Gironde
(3) Journal des débats du 23 juin 1827
(4) Mémorial Bordelais


(11/2013)