logo T

Par Daniel Salmon Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Il est fréquent aujourd'hui d'entendre fustiger les lenteurs de la Justice française. Sous le premier Empire les magistrats se forgeaient une opinion beaucoup plus rapidement. Raymond Maigne, accusé d'un crime commis en mai 1810, est jugé en juin et guillotiné en juillet.

crimecartelegue01


Le 21 mai 1810, Françoise Serviau, part seule au Grand Théâtre. C'est une demi-mondaine, dont le souteneur s'appelle Isidore Royère. Dans la soirée elle rentre chez elle, accompagnée, au 22 cours de Tourny. Vers 4 heures du matin, les voisins entendent une discussion violente. Un homme s'enfuit précipitamment dans l'obscurité.

Le lendemain, son compagnon officiel, découvre son corps sans vie, la gorge tranchée. Elle a été tuée de plusieurs coups de couteau. On retrouve une chemise d’homme marquée R.M. et un foulard. Royère qui dormait dans la chambre à coté n’a rien entendu.

Un suspect est vite repéré dans une auberge, au 9, Pont Saint Jean. Il se nomme Raymond Maigne. Il a 21 ans et est né à Castelnau de Chalosse, dans les Landes. Il est élève en pharmacie. Il est reconnu par un des voisins de la victime. Il porte plusieurs plaies sur le corps. Il nie d’abord puis raconte que le 21 mai, il a rencontré, au café de la Bourse, un jeune homme dont il dit ignorer le nom. Ils étaient partis ensemble au spectacle et avaient remarqué une femme dans la salle. Son ami lui avait dit qu'elle avait été sa maitresse à Marseille. Ils étaient partis tous les trois chez la femme Serviau. Après une heure de conversation, ils étaient dans le même lit. L'inconnu voulait punir la dame de lui avoir donné la vérole. Quand Maigne se réveilla, c'est un cadavre qui gisait à ses côtés.

Il est jugé le 20 juin 1810. Les témoins se succèdent pour délivrer des mauvais renseignements sur son compte. Sa version des faits parait peu crédible. Il se plaint, dès le début du procès, de ne pas avoir eu suffisamment de temps pour préparer sa défense. Le procureur général Buhan lui répond que " 12 jours est un délai bien suffisant ! ". Maigne est condamné à mort. L’Indicateur précise que "Raymond Maigne écouta la sentence avec ce sang froid et cette arrogance qui n’appartiennent qu’aux criminels". (3)

Il est exécuté le 26 juillet 1810, vers 15 heures, place d'Aquitaine (4). L’Indicateur ajoute qu"'autant il avait montré d’audace avant le jugement, autant il a montré de faiblesse après. Il était presque mort au moment du supplice".

Ce crime eut un grand retentissement à Bordeaux. Au point d'inspirer une complainte en vers de mirliton.

" Maignes sur l’échafaud
Déjà vers la sanglante place
Tout un peuple accourt, éperdu,
Plus d'espoir, grand Dieu ! Plus de grâce !
L'horrible fer est suspendu."

1) Archives départementales. Côte 2 U 848
2) Jean de Maupassant. " le crime de Raymond Maigne ".  Editions E.Taffard.1925 Bibliothèque de Bordeaux.
3) L'indicateur bordelais. 1810. Bibliothèque de Bordeaux.
4) Place de la victoire aujourd'hui


(02/2015)