Par Daniel Salmon. Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

La consultation des documents des cours d'assises permet d'apprécier l'évolution de la criminalité et la façon dont la société y a répondu. De nombreuses condamnations à mort ont été prononcées jusqu'en 1981. Toutefois les grâces royales ou présidentielles venaient souvent, au dernier moment, perturber la cérémonie. Seuls les procès-verbaux apportent la preuve matérielle de l'exécution. Le crime de Ramon Carratala, à Bordeaux en 1861, a eu un retentissement considérable. Il a été condamné à mort mais le procès-verbal d'exécution ne figure pas dans les archives de la cour d'assises (1). Pour autant l'exécution ne fait aucun doute.

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Le 1° février 1861, Ramon Carratala, employé au consulat d'Espagne à Bordeaux tue à coups de couteau dans la gorge et la poitrine Hermance Clément, dite Jeanne, prostituée, rue d'Arès à Bordeaux, pour la voler. Il est espagnol et a vingt-six ans. Il est condamné à mort le 15 juin 1861, pour assassinat avec préméditation.

Du jour de sa condamnation il écrit l'histoire de sa vie qu'il destine à sa pauvre mère. Elle recevra les papiers et la montre de son fils que l'administration pénitentiaire a eu la délicatesse de récupérer au Mont de Piété. La date de l'exécution n'est pas annoncée.

Le 25 juillet 1861, au lever du jour, des amphithéâtres improvisés s'élèvent autour de la place Saint Julien (2) : bancs, chaises, planches supportées par des tréteaux, échelles à quatre pieds, charrettes, chevaux, tout est mis en usage par des petits malins qui gagnent quelques sous avec la location de ces places, pourtant peu confortables. Le toit d'un petit bâtiment communal, placé au milieu de la place, ploie sous le poids d'une cinquantaine de hardis curieux, tandis que d'autres s'accrochent tant bien que mal aux colonnes de la place ou grimpent le long des réverbères (3). La foule est si grande et si compacte que le détachement du 58° de ligne et les hussards de service peinent à la contenir.

Carratala se confesse plusieurs fois à l'abbé Nolibois, l'aumônier des prisons. Des curieux sont stationnés à la sortie de la prison du Hâ. Puis, sur tout le parcours, jusqu'à la place le sinistre cortège traverse une double rangée de spectateurs, dont, encore une fois, une majorité de femmes. Carratala, est beau et robuste, sa figure est décomposée, et le trouble apparait dans ses yeux.
Arrivé sur place, il gravit à pas lents les degrés de l'échafaud, en chancelant plusieurs fois. L'aumônier l'exhorte en lui montrant le crucifix. Sur la plate-forme, il reçoit la bénédiction du prêtre, baise le Christ et se livre aux exécuteurs. Trois secondes après il est étendu sur la bascule ; on entend un bruit sourd. A six heures cinq minutes tout est terminé. " Le glaive de la loi est tombé. La justice des hommes est satisfaite."

Un dessin a été réalisé par un anonyme. Ce document remarquable montre l'arrivée de Ramon Carratala sur la place Saint Julien (4). L'échafaud était monté à peu près à l'emplacement actuel de la pyramide.

Carratala est bien le dernier exécuté place de la Victoire. Il est enterré à la Chartreuse (5).


Sources et repères

  1. Archives départementales. Cote 2 U 872
  2. Place de la Victoire aujourd'hui
  3. Journal de Toulouse (site bibliothèque de Toulouse)
  4. Collection particulière. Seule représentation connue d'une exécution place de la Victoire.
  5. Maurice Ferrus et Maurice Martin " La Chartreuse de Bordeaux"

(02/2015)