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Par M. Lambert

On peut s’étonner de trouver dans les actes de mariage du 19 ème siècle la mention du consentement des parents, même lorsque les mariés ont atteint leur majorité. De même, toujours dans le même type d’actes l’évocation parfois, de « sommations respectueuses » ou d’« actes respectueux ». Tout ceci relève des dispositions de la loi de 1804 relative au mariage. A titre d’exemple seront évoquées les démarches qui ont été nécessaires à deux couples de jeunes gens pour qu’ils puissent convoler : en 1816, nous irons à Saint Macaire; les parents de la future ne voulaient pas donner leur consentement. Plus tard en 1848, c’est à Bordeaux qu’un tailleur, originaire du Gers doit solliciter des parents très réticents à l’union projetée.

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Rappel de la loi :

La loi du 21 mars 1804 précise l’âge de la majorité matrimoniale : 25 ans pour les garçons et 21 ans pour les filles. Cet âge diffère de la majorité civile fixée pour l’un et l’autre sexe à 21 ans.
Ce qui signifie que jusqu’à 25 ans pour les garçons et 21 ans pour les filles, l’autorisation des parents s’imposait.
Au-delà de 25 ans et jusqu’à 30 ans pour les garçons et au delà de 21 ans jusqu’à 25 ans pour les filles, les futurs pouvaient se marier sans autorisation mais étaient tenus par la loi de demander conseil à leurs parents.
En cas de désaccord, le futur époux ou la future épouse était tenue d’adresser par trois fois à ses ascendants une
« sommation » par notaire qui devait être rédigée en termes « respectueux ». Si l’ascendant persistait dans son opposition, son refus n’empêchait pas le mariage. Il entraînait cependant un retard (un mois entre chaque acte) qui dans l’esprit du législateur devait éviter les décisions hâtives.
A partir de 1896, une seule sommation était nécessaire.
En 1922, cette disposition n’a été valable que jusqu’à 25 ans avant sa disparition définitive en 1933.


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Saint Macaire - 1816

Dans le quartier du Carreyrot de la petite ville de Saint Macaire, plusieurs tonneliers exerçaient leur métier. Parmi eux, le sieur Mothes, tonnelier et marchand. Sa fille aînée, Marie, 24 ans avait le projet d’épouser Pierre, 31ans, fils d’un autre tonnelier, Thomas Sieuzac. Il est probable que les deux jeunes gens, voisins, se connaissaient depuis toujours. Or le père de Marie refusait cette union pour une raison qui n’a pas été précisée. Son consentement était indispensable puisque Marie n’avait pas 25 ans. Aussi, s’est-elle déplacée chez le notaire, maître Ferbos qui a rédigé un premier acte le 22 septembre 1816. Elle y exprimait son intention de s’unir en mariage à Pierre Sieuzac « qui lui convient sous tous les rapports »; elle a longtemps sollicité de son père le consentement nécessaire; quoique ledit Sieuzac « soit un parti très convenable et sortable » son père s’est refusé à donner son accord. « Bien convaincue que ledit Sieuzac peut faire le bonheur qu’elle doit chercher dans le lien du mariage [elle] se voit forcée avec regret de recourir aux formes indiquées par la loi pour obtenir le vœu de son père ».

Trois jours plus tard, soit le 25 septembre, maître Ferbos s’est déplacé, pas bien loin, au quartier Carreyrot, avec deux témoins, toujours des tonneliers, au domicile de Pierre Mothes et de son épouse. Il a été donné lecture de l’acte, et « quoique, écrit le notaire, nous ayons fait plusieurs observations que nous avons jugé convenables, il nous a été répondu par ledit Mothes père, qu’il avait besoin de réfléchir à la chose, qu’il avait des motifs à lui connus et que pour le moment il persistait dans son refus ».
Un deuxième puis un troisième acte ont été rédigés les 27 octobre et 1er décembre dans les mêmes termes que le premier. Ils ont été présentés, toujours par maître Ferbos au domicile de la famille Mothes le 29 octobre où la même réponse à été formulée.
Il y a eu une variante pour le 1er décembre. En l’absence de son mari c’est sa femme qui a répondu « elle avait des motifs pour s’opposer au mariage, qu’elle persistait dans son refus pour le moment et quant à son mari, elle n’avait rien à répondre pour lui ». Elle n’a pas signé, contrairement à son mari qui avait une signature assurée.

Le 12 janvier 1817 le contrat de mariage était signé chez maître Ferbos
Pierre Sieuzac était accompagné de son père, de sa belle-mère (le père, veuf, était remarié), d’un frère, d’un oncle et d’une tante.
Les parents de Marie Mothes étaient absents. Sa tante, un frère et un cousin l’assistaient.
Le contrat est muet quant à l’apport de Marie, que ce soit de son fait ou de celui de ses parents ou de sa famille. Elle pouvait de marier, mais sans dot.
Par contre le père de l’époux est plus généreux : il constitue à son fils en dot les outils de tonnelier propres à fabriquer une barrique et les outils propres à tirer le vin au fin - de la valeur de 60 francs. Il fournit en outre un logement de trois pièces faisant partie de sa maison. Le fils pourra prendre dans le jardin les herbes dont il aura besoin. Dans son atelier, le père lui donnera la place nécessaire pour travailler et placer tout le bois qu’il emploiera pour fabriquer une barrique – des avantages évalués à 150 f. Il fait également don et donation du quart des biens qu’il laissera à son décès, par préciput et hors part.
Quant aux époux, il est convenu qu’ils établiront entre eux une société d’acquêts, la jouissance de la totalité est réservée au survivant, avec la possibilité de disposer de sa moitié à volonté, enfants ou pas issus ou non du mariage.
On peut noter des signatures nombreuses à la suite de l’acte, des hommes, des femmes, sans doute des amis du futur couple.

Le mariage a eu lieu à Saint Macaire le 9 février 1817.
Les parents de l’épouse n’étaient pas présents.
On peut noter également la présence par les signatures de nombre de jeunes gens de Saint- Macaire.

Le couple a eu au moins trois enfants. En 1823, le père est porté « marchand ». On ne sait si les relations de la famille Mothes avec la famille Sieuzac se sont améliorées.

  • Consulter et télécharger le document en annexe (au format Pdf) contenant :
    • Acte respectueux du 22 septembre 1816,
    • sa notification du 25 septembre 1816 - Maître Ferbos notaire.
      ADG 3 E 58967
    • Contrat de mariage le 12 janvier 1817 - Maître Ferbos, notaire 3 E 58967

Bordeaux - 1848Louis Pujos avait quitté le petit village de Ricourt (300 habitants) dans le Gers pour venir travailler à Bordeaux. En 1848, il était tailleur d’habits et vivait sous le même toit au 34 rue Saint Paul (rue du Ruat) que Marie Abadie, couturière, originaire des Hautes- Pyrénées.
Le mariage était prévu. Bien qu’ils soient majeurs l’un et l’autre - il a 27 ans et elle 28 - le conseil et consentement des parents s’imposaient. Les parents de Marie ne faisaient aucune objection et ont adressé leur accord par acte authentique. Il n’en était pas été de même des parents de Louis Pujos. Ce dernier a été contraint de passer par un notaire, maître Grangeneuve, pour adresser, par trois fois, des actes respectueux à ses parents.
C’est à trois reprises que maître Lamothe, notaire dans le Gers, a adressé la notification aux parents. Leur consentement ne semble pas avoir été acquis.
Le mariage a eu lieu quelques mois plus tard à la mairie de Bordeaux.
Il n’y a pas trace d’un contrat de mariage passé à cette occasion.
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  • Consulter et télécharger le document en annexe (au format Pdf) contenant :
    • Acte respectueux du 11 avril 1848 - Maître Grangeneuve ADG33 3 E NC 2221
    • Acte de mariage du 27 septembre 1848 à la mairie de Bordeaux.

(Article original de 03/2013 repris en 01/2014)