1912 – le droit de vote pour les femmes ?
Par Girondine 1 M 567 : Une cote qui, aux Archives départementales, présente divers documents relatifs au féminisme au début du XXème siècle : quelques feuillets qui peuvent décevoir celui ou celle qui croirait tout apprendre en ce lieu sur la conquête du droit de vote pour les femmes. Il a cependant semblé judicieux de présenter un des documents : le compte-rendu d’une conférence tenue en 1912 à Bordeaux. Il s’agit d’un des rapports rédigés par un délégué du commissariat. Rapports qui, envoyés à la Préfecture, avaient pour objet l’information sur le déroulement des conférences. Une partie du document étaient pré-imprimé : lieu de la manifestation – horaires - nombre et qualité des personnes présentes.- délits ou incidents éventuels. Les rédacteurs rédigeaient ensuite un compte-rendu de ce qui a été dit, commenté et éventuellement discuté. |
La conférence qui s’est tenue le 13 janvier à l’Athénée rassemblait 400 personnes, surtout des « Dames et Demoiselles ». Elle était présidée par Théodore Ruyssen (1868 – 1967) http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9odore_Ruyssen
Celui-ci après avoir expliqué les raisons de cette réunion et mentionné l’action du Comité Girondin de la ligue a laissé la parole au conférencier.
Il s’agissait de Jean de Breuil de Saint Germain qui, très actif, avait fondé en 1911 avec Ferdinand Buisson la Ligue des Elections pour le suffrage des femmes.
Son exposé présentait les objections des adversaires du suffrage des femmes puis les arguments qui réfutaient les raisons avancées. Sur ce dernier point, on peut regretter le manque de précision du rédacteur du rapport. Une conférence qui a suscité, « par des bravos répétés », l’enthousiasme de l’assistance.
Ci-dessous le texte intégral du rapport.
Rapport adressé au Préfet de la GirondeBordeaux le 13 janvier 1912 Commissariat de policeConférences publiques 19 janvier 1912 Commencée à 8 heures 45 Terminée à 10 heures Salle de l'Athénée rue des Trois Conils Réunion annoncée par la presse |
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Sujet de la Réunion : La misère sociale des femmes et le suffrage
Nombre de personnes présentes : 400
Composition ou physionomie : 300 Dames ou Demoiselles et 100 hommes appartenant à toutes les classes.
Président : M. Ruyssen, professeur à la Faculté des Lettres.
Nombre de personnes qui ont pris la parole et par ordre:
M. Ruyssen ; M. de Breuil de Saint Germain.
M. Ruyssen, professeur à la Faculté de Lettres de Bordeaux qui a la présidence de cette conférence, expose que c'est le comité Girondin de la Ligue pour le suffrage des femmes qui a provoqué cette réunion faisant suite à celle de l'année dernière pour laquelle M. de Breuil de Saint Germain avait bien voulu prêter son concours. Depuis lors, la ligue a fait des progrès, l'idée a marché à pas de géant.
C'est ainsi que le conseil municipal de Lyon s'est prononcé tout récemment, à l'unanimité, moins deux voix, en faveur du suffrage des femmes. Il y a un an, 180 députés français seulement étaient partisans de cette grande réforme; aujourd'hui, il y a 243 représentants favorables à ce projet. En Suède, en Norvège, en Angleterre, l'idée fait des progrès considérables et le Cabinet Libéral anglais, autrefois si hostile, vient de se prononcer en sa faveur. Le même travail se fait en Amérique, notamment en Californie où sur 85 000 femmes inscrites, 82 000 ont pris part à un vote
C'est pour cela qu'encouragé de si belle façon, le Comité Girondin a provoqué cette nouvelle conférence.
M. Ruyssen présente le conférencier au public et lui donne la parole.
M. du Breuil de Saint -Germain commence par déclarer que le comité comprend tous les partis. Il expose ensuite que les principales objections présentées par les adversaires du suffrage des femmes sont de deux sortes :
1° Objections de droit ou de théorie
2° Objections de fait ou tendancieuses
1° Les objections de droit sont les suivantes :
La femme n'est pas capable de voter parce qu'elle n’est pas aussi intelligente que l'homme ; parce qu'elle n'est pas instruite ; parce que son sens moral laisse à désirer et aussi à cause de sa nature nerveuse et sentimentale.
Ces objections sont très habilement réfutées par le conférencier dont le langage élevé, éloquent et poétique a été chaudement applaudi par l'assemblée à plusieurs reprises.
2° Les objections de fait ou tendancieuses présentées contre le suffrage des femmes sont basées sur ce que :
a) la femme ne fait pas son service militaire;
b) le droit de vote détruirait le sentiment chevaleresque dont nous entourons actuellement la femme.
M. du Breuil Saint Germain répond à ces critiques en traitant d'une façon très élevée les points relatifs à l'alcoolisme, à la prostitution et à la criminalité. Son argumentation serrée, sa parole vibrante, notamment à propos de la maternité, lui ont valu les bravos répétés de l'assistance. Il a terminé par ces mots : Français, Françaises, unissons-nous pour augmenter la force et la sagesse du pays par la paix et la réconciliation nationales.
La conférence a été terminée à 10 heures, sans incident, après quelques paroles de remerciements adressés au conférencier par M. Ruyssen, au nom de l'assemblée.
Le commissaire aux délégations municipales
Signé : Auzeau
(09/2013)