1779 - Le sieur Larigaudière, négociant, acquiert un droit et titre pour l’usage d’un banc dans l’église Saint Pierre à Bordeaux. – acte signé chez Maître Fatin, notaire. Un marqueur de notabilité ? Pour en savoir plus, on peut consulter aux AD de la Gironde sous la rubrique « Bancs et sépultures » les documents classés sous la cote G 673 et suivants. Par Bouzol. |
Que précise l’acte signé chez maître Fatin ?
Maître Pénicaut comme syndict de l’oeuvre et fabrique de l’église Saint Pierre à Bordeaux, concède au sieur Jean Larigaudière, négociant, demeurant près de la porte Cailleau à Bordeaux, paroisse Saint Pierre, le droit et titre pour un banc de sept pieds (un pied : 33 centimètres, environ), dans l’allée Saint Jean, appartenant auparavant à M. Peschiers. Ce banc confronte :
- d’un bout vers l’autel au banc de M. Réaud,
- de l’autre bout vers la porte du passage.
- devant, se trouve le banc de M. Pax
- derrière celui de M. Sudrau.
Le sieur Larigaudière, sa veuve (si le cas y échoit), ses enfants males et filles non mariées auront le droit de mettre un banc dans l’allée pendant l’avent et le carême de chaque année.
Une condition : le sieur Larigaudière et les siens doivent faire résidence sur la paroisse Saint Pierre. S’ils venaient à demeurer dans une autre paroisse pendant un an, ils seraient déchus du droit de banc et la fabrique sera autorisée à en disposer.
Le sieur Larigaudière a payé la somme de 42 livres (6 livres par pied), en écus de 6 livres à M. Couchouneau de Barrière, receveur de la fabrique.
Un banc d’église, on l’acquiert, parfois on le conquiert, on le transmet, on le monnaye. C’est une valeur, un signe.
Pour s’en convaincre, on peut lire les petits feuillets déposés dans les liasses de la cote G 673 et suivants. Petits ou grands, bien écrits ou illisibles, ils sont classés par ordre alphabétique des paroisses. En ce qui concerne les paroisses de Bordeaux, il faudra chercher ailleurs.
Le destinataire : le plus souvent « Monseigneur l’Archevêque ». Ce sont des suppliques pour solliciter un droit, le réaffirmer, ou le justifier. On y développe des arguments, on expose sa positon dans la société, au passage on n’hésite pas à égratigner un concurrent. Il s’agit de « paraître ».
Il est parfois associé à un droit de sépulture dans l’église. Ceci est une autre histoire …
Ce qu’il faut savoir
- La possession d’un banc se transmet héréditairement, par les hommes exclusivement.
- Un banc a une place bien définie. Les écrits précisent sa localisation dans l’église (dans la nef, près d’un pilier, etc.), ses confronts (devant, derrière, d’un bout…).
- Ses dimensions sont parfois mentionnées ; trop grand, il peut gêner un voisin.
- Les places étant limitées, le postulant à l’acquisition d’un banc est à l’affut d’une place disponible. Il sera attentif aux emplacements laissés vacants suite au décès du titulaire sans postérité male, il prépare ses arguments.
- Le candidat doit justifier d’une certaine situation de fortune, d’une bonne position dans la paroisse. Il doit être généreux – dons ou aumônes figurent en bonne place. Avoir été membre de la fabrique peut être un atout.
- L’annonce de l’attribution éventuelle d’un banc est portée par trois annonces successives à la connaissance de l’ensemble des paroissiens qui peuvent manifester leur opposition.
- Le passage devant notaire permet de concrétiser l’acquisition d’un titre de banc. Un certain nombre de familles avaient des titres : un écrit sur parchemin qu’il ne fallait pas perdre.
Litiges
On ne s’attardera que sur quelques faits.
Au 17ème siècle, suite « aux faits de guerre » des bancs ont été rompus, des titres perdus. Les curés font des difficultés pour reconnaître des droits. (Le Barp (1655) – Cavignac (1663)).
L’étude des péripéties liées à la possession d’un banc permet au lecteur d’approcher la sensibilité des notables des paroisses de l’Ancien régime.
Prenons l’exemple de Cavignac. Eté 1770, trois candidats se disputent un banc laissé vacant. Les uns et les autres ont des arguments qu’ils ont exposés sans oublier de dénigrer l’adversaire. Une affaire un peu complexe qui a sans doute alimenté les propos du petit monde cavignacais.
Résumé :
Un banc est demeuré vacant suite au décès de son titulaire. Trois candidats à la reprise :
- Fiacre Manceau, 7 enfants, fils de Jean Manceau qui a eu de deux unions 9 enfants. Le père a déjà un banc. Argument de Fiacre : sa famille a œuvré depuis des générations pour la fabrique de Cavignac – arguments présentés contre sa candidature par ses adversaires : la famille serait surreprésentée
- Jean Baptiste Villotte : d’abord intermédiaire entre Manceau et Degrange, il a revendiqué le banc car sa femme serait de la famille de l’ancien titulaire. Or Degrange a circonvenu son épouse qui lui a cédé son droit de banc. Réponse de Villotte : une cession venant d’une femme est sans fondement. Mais, a-t-il été rétorqué par Degrange : le couple Villottte est séparé de biens…Arguments contre Villotte il a peu de biens et ne fréquente que rarement les offices divins.
- Pierre Degrange : Originaire de Saint Martin de Laye, il est avocat à Bordeaux. Il a épousé une demoiselle Rance-Paris de Cavignac, et a acheté un gros domaine. Argument contre : il habite Bordeaux. Il ne vient dans la paroisse que pour surveiller ses récoltes.
La conclusion de l’affaire : on ne la connait pas.
Il y a trace d’un billet des frères Récapet de Cavignac. Degrange aurait dit « qu’il accorderait à Villotte la liberté de se placer sur le banc que Degrange voudrait avoir si Villotte voulait se départir de la procédure …contre Degrange au sujet du banc »
Une autre affaire, plus simple à Cézac en 1764.
Guillaume Merlet notaire a hérité d’un banc. Un certain Belloumeau a voulu mettre un banc devant celui de Merlet qui ne s’y est pas opposé. Or ce banc, trop grand, est un obstacle à l’accès à la chaire. De plus, il constitue gêne qui ne permet pas à Merlet de « jouir de son banc avecq laizence et le gracieux que chacun quy en acquiert le droit en espère ». On apprend ensuite que Belloumeau est le gendre de Merlet. Ce dernier a fait venir des experts qui ont mesuré pouces et lignes du banc litigieux.
Tout ceci est très long, très compliqué, voire ennuyeux. On ne connaît pas la conclusion.
On peut aussi lire les propos tenus par Jean Dartigolles à l’occasion d’une conférence tenue le 8 mars 2002 à Bommes :
http://www.vallee-du-ciron.com/Documents/Conferences/ConfDartigollesVieParoissiale.htm
Voir le chapitre « Vie paroissiale ».
Aux 19 ème et 20 ème siècle, il était toujours de bon ton et respectable d’avoir à l’église sa ou ses chaises marquées à son nom. Peut-être en trouve-t-on encore.
Titre de banc
11 fevrier 1779 Par devant les conseillers du roy notaires Larigaudière Penicaut sindic Couchonneau de Barrière |
(11/2013)