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La Justice de paix : un vivier d’informations sur le mode de vie des girondins

La Justice de paix : cheminer dans les liasses de la Justice de paix, c’est l’occasion d’une rencontre avec des femmes et des hommes, saisis dans leur vie de tous les jours.Ils ont eu affaire à cette justice que l’on pourrait qualifier de nos jours de «proximité »
Les procès verbaux de ces affaires, tant civiles que pénales ont été conservés et peuvent être consultés dans la série U.Ces tribunaux, institués en 1790 étaient établis dans chaque chef-lieu de canton  et ont fonctionné, avec quelques modifications jusqu’en 1958.

Par Monique Lambert

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Qui étaient les juges de paix ? Des personnes choisies pour leurs qualités morales. D’abord élus, ils furent ensuite nommés. Ils étaient assistés  par des suppléants, non professionnels. Un greffier écrivait les sentences et autres actes du juge.

Les  compétences du juge de paix 

  • Compétence en matière gracieuse :
    • donne des autorisations en matière de saisies conservatoires;
    • il appose les scellés après décès ou lève les scellés (sauf à déléguer son greffier), notamment en cas de faillite, ou de règlement judiciaire;
    • il convoque et préside les conseils de famille des mineurs, des absents, des interdits, des sourds;
    • il convoque et préside les conseils de famille pour la nomination des curateurs aux substitutions (on appelle curateur la personne chargée, soit par la justice, soit par un conseil de famille, de veiller aux intérêts de ceux qui ne peuvent y veiller eux-mêmes), pour la réduction de l’hypothèque générale des femmes mariées;
    • il dresse les actes d’émancipation, d’adoption, de tutelle officieuse (l’adoption est un contrat qui établit entre deux personnes des rapports de paternité et de filiation purement civils. La tutelle officieuse est un contrat de bienfaisance par lequel une personne s’oblige à nourrir et à élever gratuitement un mineur pour le mettre en état de gagner sa vie, et à administrer aussi sa personne et ses biens. Ces contrats sont passés devant la justice de paix ou dans un cabinet de notaire);
    • il délivre les actes de notoriété ;
      etc.
  • Compétence en matière de conciliation
    Il s’agit d’une tentative d’arrangement entre deux parties qu sont convoquées et tentent de trouver un arrangement. Si les parties se concilient il n’y a pas de procès-verbal. Si les partie ne se concilient, le greffier le mentionne.
  • Compétence en matière contentieuse.
    Les fonctions du juge consistent, au civil, à juger des affaires de la compétence du juge de paix déterminées par la oi du 25 mai 1838 puis par celle du 12 juillet 1905. Il s’agit :
    • des contestations entre les hôteliers, aubergistes ou logeurs, et les voyageurs ou locataires en garni pour dépenses d’hôtellerie, et pertes ou avaries d’effets;
    • des contestations entre les voyageurs et les voituriers ou bateliers pour retards, frais de route et perte ou avarie d’effets accompagnant le voyageur;
    • des contestations entre les voyageurs et les carrossiers ou autres ouvriers pour fournitures, salaires et réparations faites aux voitures de voyage;
    • des conflits entre propriétaires et locataires non jouissance, réparations locatives, dégradations, pertes, etc.);
    • des actions en paiement de loyers ou fermages, congé, résiliation de baux, expulsion de lieux, et en validité de saisie-gagerie relative à des locations;
    • des conflits entre patrons et salariés ou domestiques;
    • des actions possessoires (maintenir ou réintégrer quelqu’un dans sa possession, sans juger sur la propriété : à l’occasion d’un élagage ou abattage de haie, d’un droit de passage…) et actions en bornage depuis 1838;
    • des problèmes de limites et séparations, de plantation d’arbres (élagage, distances de plantation), de curages des fossés ou canaux;
    • des actions pour dommages faits aux champs, fruits et récoltes;
    • des actions relatives aux constructions et travaux pouvant nuire aux propriétés contiguës;
    • des actions relatives au salaire des gens de travail, aux gages des domestiques, aux payements des nourrices et aux engagements des maîtres et de leurs ouvriers ou apprentis;
    • des actions civiles pour injures et diffamation (verbales depuis 1790, écrites sauf en matière de presse depuis 1838);
    • des rixes et voies de faits en l’absence de blessures;
    • des demandes de pensions alimentaires réclamées par des ascendants contre leurs descendants (ou inversement).

Aux AD 33, c’est la série 4 U qu’il convient de consulter.
Les documents sont regroupés par canton et par année. Les principales rubriques :

  • actes et jugements civils, simple police, de rapports d’experts : les pièces sont classées par ordre chronologique ;
  • conseils de famille – la liasse regroupe plusieurs années;
  • accidents du travail
  • contrats d’apprentissage
  • sociétés
  • simple police
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Commentaires
On peut se contenter de rechercher un acte dans une liasse de cette série et ne pas aller plus loin. « La justice de paix, c’est une mine d’or pour le chercheur » n’hésitent pas affirmer certains auteurs.. Inventaires, contraventions, ventes aux enchères, nous voici plongés dans une société rurale ou urbaine à la fois proche et lointaine de nos préoccupations.  On peut constater des disparités dans la nature des affaires traitées par chaque canton. Chez les uns, c’est le nombre de  PV pour délits routiers (la vitesse est peu en cause) qui peut surprendre. Chez les autres ce sera la multiplication de soucis de bornage. Un peu partout, il est question de baux – souvent verbaux - non respectés, de pacages intempestifs. Dans les petits bourgs, on peut noter les démarches de commerçants qui ont quelque peine à recouvrer leurs créances. A Bordeaux, comme il se doit, les litiges ont leurs caractères spécifiques : ceux d’une grande ville.

La grande majorité des actes ne concernaient que les gens modestes. Mais pas tous. Dans le canton de Pessac, en 1840, la vente des meubles de la maison d’habitation,(Branon à Léognan), de  Guillaume de Licterie, décédé, s’est élevé à 12 850 f.

Quelques exemples

Canton de Grignols le 16 juillet 1885 (4 U 23/18) N° 31.
 Minvielle, cordonnier avait donné en location (bail verbal) à Monguillot maréchal-ferrant une maison et le « fumier qui serait fait dans la maréchalerie ».
Monguillot a déguerpi sans demander l’autorisation. Il avait commis quelques dégradations. De plus, il avait emporté le fumier ! Des experts ont été nommés. La suite de l’affaire n’est pas connue. Sans doute ont-ils trouvé un arrangement

Canton de Pessac  le 11 juillet 1854 ( 4 U 33/46) N° 173.
Les protagonistes :
le Ministère public « poursuivant dans l’intérêt de la vindicte populaire » 
contre le Sr Eugène Fraiche, 10 ans, vacher au service du Sr Gustave Jude, courtier maritime et le sr Jude pris comme civilement responsable, demeurant le Sr Eugène Fraiche chez son père sur la propriété de M. Jude à Madère, Villenave d’Ornon.
Les faits : Le garde-champêtre a constaté qu’Eugène Fraiche, vacher, faisait pacager neuf vaches sur un chemin vicinal.
Eugène Fraiche a reconnu les faits et réclamé l’indulgence du Tribunal. Le Sr Jude s’en est remis à Justice.
Le Tribunal a déclaré Eugène Fraiche coupable de contravention de simple police et l’a condamné à 1 f d’amende solidairement avec Gustave Jude civilement responsable et aux dépens liquidés à 4 f.


(04/2013)