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Par D.Salmon Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Gérome Aurusse a été le dernier guillotiné sur la place du Repos, en 1891. La prochaine exécution capitale à Bordeaux n'aura lieu que 27 ans plus tard, dans la cour du fort du Ha. A la fin du XIX° siècle, le débat sur la peine de mort est relancé.

Gérome Aurusse a été le dernier guillotiné sur la place du Repos, en 1891. La prochaine exécution capitale à Bordeaux n'aura lieu que 27 ans plus tard, dans la cour du fort du Ha. A la fin du XIX° siècle, le débat sur la peine de mort est relancé.

Le 20 mai 1891, Gérôme Aurusse, 32 ans, domestique agricole, tue à Saint-Magne (Gironde) trois vieillards, les époux Barde et leur oncle Bregnet. (1)

Les trois vieux acariâtres martyrisaient leur domestique. La famille Barde, l'avait même licencié le mois précédent. Pour se venger, il entre la nuit dans la maison avec une énorme massue. Les époux Barde n'ont pas le temps de pousser un cri. Bregnet, dans sa chambre, se met à crier. Il subit immédiatement le même sort. Aurusse vole tout ce qu'il peut puis met le feu à la maison. Il est jugé le 10 août 1891 et condamné à mort le 15 août.

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Il avait auparavant été militaire au Tonkin et s'était fait remarquer par une excellente conduite. Il avait même sauvé un de ses officiers d'une mort certaine. Il est convaincu que ses états de service lui vaudront d'être gracié. En haut lieu on se donne le temps de la réflexion, le délai entre sa condamnation et l'exécution est particulièrement long : soixante-douze jours. Pendant tout ce temps il est enfermé dans un dortoir avec onze codétenus, alors que traditionnellement, les condamnés à mort sont à l'isolement.

Le 20 octobre 1891, dans sa cellule du fort du Ha, il est réveillé à cinq heures. Il ne manifeste aucune émotion. Ses codétenus, réveillés en sursaut, sont effarés. Il ne répond que par oui ou par non aux questions posées. Il se confesse, entend la messe pendant un quart d'heure, pleure un peu. Au greffe, il prend un petit déjeuner, arrosé d'un carafon de rhum et termine par trois cigarettes. Quand un gardien lui en propose une quatrième, il sourit : "Je n'aurai pas le temps de la fumer." Il déclare, avec un certain bon sens : " J'ai tué des chinois qui ne m'avaient rien fait : on m'a décoré. Je supprime des gens qui m'ont fait souffrir, on me condamne à mort : c'est stupide." Tout est prêt à six heures moins vingt mais pour être certain d'arriver au lever du jour à la place du repos (2) il est convenu d'attendre un peu.

La voiture escortée de gendarmes, sabres au clair, part au galop. Bien qu'il soit très tôt la foule est importante. Arrivé sur place, Aurusse embrasse par deux fois le crucifix puis s'avance d'un pas ferme vers la guillotine. L'aumônier qui l'accompagne marche devant lui à reculons, pour lui cacher la vue des bois de justice. Le bourreau lui dit " Allons, montrez que vous ne redoutez pas la mort. " Puis il le positionne difficilement dans la lunette.

Il est six heures vingt-huit quand il est basculé. La foule se retire calmement.

Le commissaire central demande à la mairie de Bordeaux six hommes sûrs pour transporter le corps, car le personnel de l'exécuteur est insuffisant. Aurusse sera finalement enterré dans le jardin qui se trouve à la jonction des 23° et 25 ° séries de la Chartreuse. Tout est vite rebouché, rien ne permet de se rendre compte qu'à cet endroit repose un condamné. La faculté de médecine, comme d'habitude, conserve la tête pour ses études et son musée.
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S'ouvre en France une longue période pendant laquelle les idées abolitionnistes progressent dans le pays. Les présidents Loubet et Fallières gracient généreusement. En 1906, la chambre des députés supprime, puis les rétablit, les crédits nécessaires aux dépenses du bourreau.

Mais un crime abominable est commis à Paris. Le 27 janvier 1907, Albert Soleilland viole, assassine et dépèce une enfant de 11 ans. La France entière, chauffée par la presse à scandale, est révulsée. Armand Fallières, droit dans ses bottes, gracie Soleilland. La presse se déchaine. La campagne est si violente que les projets d'abolition sont enterrés. Un projet de loi visant à abolir la peine de mort est rejeté, à l'assemblée Nationale, en décembre 1908 par trois cent trente voix contre deux cent une.

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Sources
(1) Archives départementales cote 2 U 887
(2) Aujourd'hui place Gavinies


(05/2014)