logo T

Cenon Labastide - 1840

Par Girondine.

On trouve dans les rapports des commissaires de police la relation de quelques faits qui ont troublé l’ordre public, des rixes en particulier.

Un exemple parmi d’autres, celle qui a opposé dans le quartier de Cenon Labastide des compagnons et des ouvriers.
C’était le 18 juin 1840.

rixeentrecompagnons01

 

Jalousie entre corps de métiers, excès de boisson ? On ne sait ce qui a occasionné l’attaque de deux ateliers de maréchalerie à Cenon Labastide. On devine l’embarras de l’adjoint au maire qui a été appelé en l’absence du commissaire de police. La force armée a été sollicitée. On ne déplore que des blessés légers chez les compagnons; ceux-ci, comme il de coutume, ne sont connus que par leur surnom : Lyonnais et Poitevin. Quant aux assaillants, ouvriers boulangers, après leurs commis leurs méfaits, ils courraient toujours.

Rixe entre compagnons boulangers et ouvriers maréchaux.

Ce jourd'huy 18 juin 1840 à midi nous Guillaume D Lafaugère, adjoint au maire de Cenon Labastide avons été requis par le Sr Pouzat dit Bordelais, maréchal ferrant, habitant de cette commune de nous transporter à son domicile pour y interposer notre autorité afin de rétablir l'ordre troublé par des compagnons boulangers qui ont assailli ses ouvriers. Ledit Pouzat nous ayant déclaré n'avoir pu découvrir Mr le Commissaire de police, nous avons déféré à sa réquisition et nous avons recueilli des personnes présentes les renseignements suivants sur la rixe qui venait d'avoir lieu.
Trois compagnons boulangers, après avoir bu dans plusieurs cabarets de Labastide et y avoir chanté des chansons les plus provocatrices contre les compagnons maréchaux et autres se sont présentés dans l'atelier de maréchalerie du Sr Pouzat. L'un d'eux a demandé du feu pour allumer sa pipe. Aussitôt, l'un des ouvriers du Sr Pouzat lui a donné du feu. Le compagnon boulanger lui a demandé s'il était maréchal. A sa réponse affirmative, il lui a prodigué les injures les plus grossières aux quelles le maréchal a riposté par un coup de poing. Aussitôt les deux autres compagnons boulangers se sont précipités sur les maréchaux, les ont frappés avec des marteaux et autres outils qu'ils ont trouvés sous la main. Les voisins accourus au bruit ont séparé les combattants et les boulangers ont été expulsés de l'atelier. Nous avons reconnu que l'un des maréchaux, dit Lyonnais avait reçu une forte contusion à la tête. L'autre, dit Poitevin avait été frappé au bras.
Les agresseurs n'ont pas discontinué de se promener dans les rues de Labastide et vers quatre heures de l'après midi, ils se sont présentés à l'atelier de maréchalerie des Srs Mélac père et fils, en manifestant par les propos et leurs gestes qu'ils avaient l'intention de provoquer aussi les ouvriers de cet atelier. Mais le Sr Mélac fils a, par son sang froid, empêché ses ouvriers de répondre et a réussi d'éloigner de sa boutique les provocateurs pris de vin.
Sur l'avis qui en avait été donné au poste du pont à bordeaux par le Sr Pouzat et sur notre invitation deux fusiliers de la ligne sont venus de ce côté-ci du pont. Mais les forces étant insuffisantes, j'ai eu la satisfaction de voir arriver Mr Lassime, commissaire de police à Bordeaux, assisté de quelques gendarmes et le fonctionnaire n'ayant pu arrêter les coupables a dressé son procès verbal sur les lieux et a donné des ordres qu'un piquet d'infanterie se trouvât ce soir à ma disposition dans le cas où une nouvelle rixe rendrait l'emploi de la force armée nécessaire. Le tout quoi, nous avons dressé le présent procès verbal les jours, mois et an que dessus.
L'adjoint au maire de Cenon Labastide
D Lafaugere

Source : ADG33 : 4 M 223


Pour en savoir plus sur les relations entre ouvriers et compagnons au XVIIIe siècle, on peut consulter :

Cavaignac (Jean), « Le compagnonnage dans les luttes ouvrières au XVIIIe siècle - L’exemple de Bordeaux », Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, 1968, vol 126, N° 126-2, p.377-411.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1968_num_126_2_449797


(01/2014)