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Par Girondine

Peut-être vous demandez-vous  quel type d’hébergement pouvait être offert au voyageur de passage à Bordeaux. En d’autres termes quel niveau de confort la personne « convenable » pouvait-elle espérer trouver en cette bonne ville de Bordeaux dans la deuxième moitié du 18° siècle.
Pour satisfaire votre curiosité, vous êtes invité à visiter un hôtel sis rue de la Douane, ce 23 décembre 1779.

Du monde devant l’entrée. Une ambiance lugubre dans cette froide matinée d’hiver pour un inventaire après décès. Maître Sylvain Goujon, hôtelier de son état a quitté ce monde il y a peu, suivant de près a femme décédée quelques mois auparavant. L’un et l’autre n’avaient que 45 ans et laissaient plusieurs enfants « impubères ».

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Conscient de son état et soucieux du devenir de ses enfants,  Maître Goujon, avait réglé ses affaires quelques temps auparavant : les sommes résultant de la vente de son mobilier à un autre hôtelier, maître Lescure seraient placées chez Marie Brizard qui résidait à proximité..
Un inventaire s’imposait. C’est à cette formalité que vous êtes convié. En accompagnant le notaire,  dans les différentes parties de l’immeuble, vous pourrez vous faire une idée de l’agencement de la maison, de la nature des meubles qui occupaient l’espace, repérer les objets qui faisaient le quotidien des hôtes et peut-être  découvrir un article inattendu, voire insolite.

Rue de la Douane en 1779. Il est facile de la dénicher derrière la façade des quais, à proximité de la place de la Bourse (elle est devenue rue Emile Duployé). Depuis bientôt 20 ans, le quartier avait  subi des bouleversements considérables. Mis à bas des remparts qui fermaient la ville sur le port. A leur place d’imposants immeubles en pierre.

 

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D'après un plan de Bordeaux dessiné sous Louis XVI

 

C’est derrière une de ces belles bâtisses que s’est  développé l’hôtel qui figure à l’enseigne  «Le prince de Condé » sur trois  étages au dessus d’un rez-de-chaussée. Le port très proche : d’autres hôtels, des lieux où l’on servait à boire, où l’on se distrayait. Un quartier très animé, donc.

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En présence de Sr Antoine Lescure maître hôtelier de la présente ville demeurant rue de la Douane agissant comme tuteur de Jean, Madeleine et Marguerite-Elisabeth Félicité Goujon, enfants impubères de Sylvain Goujon… et de Cécile Goumain, suivant appointement de sa prestation de serment fait …

 

L’entrée de l’hôtel se fait par la porte de la cuisine
 Le rez-de-chaussée se compose de  deux grandes pièces et d’une petite « souillarde ».  Du mobilier et beaucoup d’objets de nature diverse, voire hétéroclite. C’était le lieu de vie de l’établissement  Une ambiance familiale; l’hôtelier vivait ici avec femme et enfants.
Dans la cuisine, on repère la cheminée avec ses ustensiles, deux fourneaux portatifs et un certain nombre d’objets pour la préparation des repas.
On note les tables et les chaises, ce qui laisse penser que dans cette cuisine on servait des repas.
La pièce qui jouxte la cuisine comporte elle aussi un certain nombre de meubles et ustensiles divers. Sa destination n’est pas clairement définie. Elle peut être chauffée avec un poêle.
Pour l’une comme pour l’autre des pièces, le visiteur du 21ème siècle saisit mal la logique de rangement : il y a de vaisselle et des ustensiles dans les deux pièces, placés dans des  meubles ou laissés on ne sait où, en vrac; ainsi la cage à oiseau garnie en fil de fer voisinant avec un bas d’écritoire en corne, deux autres cages et deux paniers en osier.
La quantité de vaisselle est impressionnante : pas moins de 243 assiettes, des  plats de toutes sortes, des soupières, des saladiers, des salières, des pots à eau. Quelques couverts (quelques cuillères en étain, de rares fourchettes en fer ou en argent, des petites cuillères). Quelques couteaux de toutes sortes. Objets en verre : 2 gobelets, 5 demies bouteilles et … 155 bouteilles de verre vides sur trois planches percées (dans la pièce attenant à la cuisine).

A l’entresol : l’appartement de la famille Goujon.
  1. Deux grandes pièces aux murs tendus de toile.
  2. Dans la première : une cheminée et son trumeau, tables et chaises et objets divers.
  3. Dans la pièce à côté: la chambre conjugale avec des lits, des « couchettes » pour enfants, des armoires contenant le vestiaire du couple. Une cheminée, une table de toilette et trois « mauvais violons » etc.
  4. Une petite pièce  à l’étage avec lit et table.
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Au dessus, trois autres étages.
Six chambres dont certaines communiquent.
Dans toutes les chambres, il y a un ou deux lits, une cheminée, des meubles et objets pour la toilette, parfois un tapis.
Sur les  murs sont tendus des morceaux de tapisserie, Un mobilier cependant réduit pour les chambres plus petites.

Au grenier un peu de bois.

Dans la cuisine qui forme la principale entrée de la maison :

  • huit chaises communes garnies de paille usées,
  • une table de cuisine montée sur quatre pieds avec deux tiroirs, le tout en bois commun, vieille et usée,
  • une petite table quarrée avec son pied pliant en bois de sapin
  • un tournebroche monté avec son poids de pierre, corde et poulie avec trois broches,
  • une paire de chenets de cuisine avec la pelle, deux paires de pincettes, barre à feu, crémaillère, le tout en fer,
  • trois grilles, deux trépieds, une broche à main, deux petites pincettes, une tizonnière ou palot, deux petits fourneaux portatifs, trois poêles à frire et un mauvais timbre  avec une petite poêle à caffé le tout en fer
  • un grand chandelier de fer blanc et un petit bougeoir en fer blanc, un autre bougeoir de fer de moyenne grandeur, un petit chandelier de cuivre, un autre de fer, et deux fers à friser un soufflet de cuisine, un mauvais petit baril à charbon, une mauvaise rape de fer blanc, une poivrière de fer blanc, un bas d’écritoire en corne avec une cage à oiseau garnie en fil de fer, deux autres cages et deux paniers d’osier.
  • une armoire à deux portes, avec un grand tiroir et deux petits, en bois de sapin peint en gris :
  • pièces de faience qui ont été réunies à d’autres fayences qui sont dans la salle à côté de la cuisine,
  • quatre flacons de verre vides (3 grands et un petit),
  • une paire de flambeaux d’étain avec leur bobèche,
  • deux saliers neufs, deux boîtes de bois contenant l’une une guenille sans valeur, l’autre une vieille perruque à bourse,
  • une boîte à jeu, une petite sonnette de foule, deux mauvaises lanternes de fer blanc, une petite cassette de bois vide, une bouteille clissée, deux mauvais coussinets de fauteuil couverts de satin, une douzaine de mauvaises cannes de bois dont quatre à pome de et les deux autres sans pome,
  • deux vieilles épées à manche de cuivre, un mauvais couteau de chasse à manche d’os avec leurs ceinturons, une petite boîte de bois contenant six tasses et six soucoupes avec un sucrier, le tout en porcelaine, quatre petites cuillères à café d’étain, neuf couteaux communs et usés (5 à manche de bois, 3 à manche de corne, un avec un méchant canif), un rasoir, une paire de ciseaux communs, le tout dans un mauvais panier d’osier
  • Dans un petit sac contenant environ deux livres de caffé : un tapis de laine et fil, deux mauvais chapeaux, un mauvais parasol de serge, une paire de brosses usée, un paquet de fil et quatre écheveaux pesant environ deux livres, en partie rongés par les rats, plus dix huit fuseaux garnis de fil  dans un petit caisson de bois
  • plus douze cuillers à soupe et une cuillère à potage d’étain avec 18 fourchettes de fer et un pied de Roy et un grand couteau à ressort à manche en corne
  • une culotte à la matelotte de cotonille très usée, un mauvais gilet d’enguienne, 6 paires de bas de coton, 12 paires d’autres bas ou chaussettes de fil, deux paires de bas de laine, 3 autres paires de filoselle, une paire de bas de soie blanc, le tout très vieux et usé
  • quelques pièces de linge sale, porté dans l’autre pièce, quatre petites corbeilles, quelques vieux haillons

Dans un vaisselier en bois commun peint en gris où il n’y a qu’un petit cabinet à une porte agraffé au mur de la cuisine qui lui sert de fons, le cabinet peint en gris où il y a :

  • 9 bouteilles de verre vides (grandes et petites) une carafe de vin blanc, quatre petits verres à liqueur, deux paires de burettes avec leur sabot, trois autres burettes sans sabot, une lanterne en fer blanc, quelques petits carrelets, quelques pièces de poterie de terre, inutiles à détailler
  • une porte de toile brisée pour mettre au devant de l’entrée de la cuisine
  • trois étagères de planche en forme de haut de vaisselier avec leur console de bois commun peint en gris avec trois autres petits étages de même
  • un petit cabinet à deux portes : un en haut et l’autre en bas, tiroir au milieu en bois commun où il n’y a que de la ferraille sans valeur...

Pour les plus courageux qui voudraient en savoir un peu plus, ils peuvent lire l’intégralité de l’inventaire du mobilier tel qu’il figure sous la cote 3 E 15029 chez Baron, notaire à Bordeaux. Ils pourront s’amuser à répertorier la vaisselle, les ustensiles de cuisine ou le linge, habiller le défunt ou sa femme, leur vestiaire étant soigneusement décrit ou calculer la capacité d’accueil de l’établissement ou chercher, en vain, les «commodités».

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(06/2013)